L’histoire de la réduction du temps de travail, c’est aussi celle du temps libre…
Aujourd’hui, la durée annuelle du travail se situe autour de 1 500 heures, alors qu’elle était d’environ 3 000 heures en 1840.Même si ces chiffres sont fragiles et doivent être utilisés avec précaution, il en ressort grosso modo une division par deux de la durée du travail entre 1840 et aujourd’hui. Il y a donc bien un mouvement séculaire de réduction du temps de travail !
Pour autant, ne tombons pas dans l’illusion d’une dynamique unique et continue. L’histoire du temps de travail est marquée par une série d’avancées et de retours en arrière. La loi de 1814 qui interdit le travail le dimanche est par exemple abolie en 1880, puis restaurée en 1906. Celle de 1936 sur les 40 heures sera suspendue par les décrets Reynaud de 1938, puis annulée par Vichy en 1941, pour être finalement restaurée en 1946. Plus récemment, les lois Aubry de 1998-2000 sur les 35 heures ont été atténuées par la loi Fillon de janvier 2003. Aujourd’hui, on observerait même une tendance à l’augmentation de la durée du travail, non pas du fait des heures hebdomadaires, mais via le recul de l’âge du départ à la retraite.
La CGT jouera un rôle décisif
Si la réduction du temps de travail n’a pas été une revendication des seuls syndicats ouvriers – clergé, militaires, médecins, hauts-fonctionnaires ont aussi pu jouer, à certaines occasions, un rôle non négligeable – ces derniers ont tout de même tenu une position centrale dans cette histoire. La mémoire syndicale a retenu le fameux mot d’ordre affiché sur la façade de la Bourse du travail de Paris :
« À partir du 1er mai 1906 nous ne travaillerons que 8 heures par jour ».
Il donnait le signal d’une mobilisation générale des ouvriers pour la réduction de la durée journalière du travail. La CGT jouera ainsi un rôle décisif dans l’adoption de la loi sur les 8 heures en 1919, ou encore sur les 40 heures en 1936. On soulignera que si quelques patrons ont pu envisager favorablement la réduction du temps de travail, il y a surtout une véritable constance dans l’opposition des organisations patronales (et dans l’argumentaire déployé !) sur ce sujet au cours des deux derniers siècles.
Au cours du XXe siècle, la question de la durée du travail sera au centre des luttes sociales, sans toutefois pouvoir être extraite des autres luttes importantes (salaire, conditions de travail, etc.). Du fait de l’hétérogénéité du salariat, la réduction du temps de travail a en effet rarement pu constituer, à elle seule, une base unificatrice de mobilisation.
L’histoire du temps de travail, c’est aussi celle du temps libre. Rappelons que la revendication des 8 heures est avancée en 1906 par la CGT avec la tripartition (8 heures de travail, 8 heures de sommeil, 8 heures de loisirs). Cette histoire ne doit pas non plus manquer d’être croisée avec celle des conditions de travail, de l’organisation du travail, du chômage, etc.
Une histoire complexe donc, aux enjeux multiples, qui se révèle, dans tous les cas, riche d’enseignements.