Passer aux 32 heures, ce serait bon pour les politiques familiales ? Réponse d’Alain Giagomel, administrateur à la CAF de Toulouse et administrateur à la CNAF en tant que chef de file pour la CGT.
Les 35 heures ont-elles eu un impact sur les politiques familiales ?
À partir du temps où tu passes moins de temps avec ton employeur, tu passes plus de temps avec ta famille, au sens élargi. Si tu vis dans un contexte familial avec une compagne, des enfants, tu dégages du temps pour être plus souvent avec eux, à condition qu’ils le peuvent. Tu t’ouvres beaucoup plus sur la vie citoyenne, à condition que tu veuilles le faire. Avoir plus de temps fait que ta relation conjugale est améliorée. Tout ce qui peut se faire dans la petite enfance, avec l’adulte, de manière sociable, c’est un bénéfice assuré. Quand on s’occupe de ses enfants entre 0 et 3 ans, on a un bénéfice certain pour leur insertion, leur épanouissement.
Lors du passage aux 35 heures, les politiques familiales se sont-elles réformées ?
C’est à ce moment que l’on a commencé à parler de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Au cœur des politiques familiales, on a commencé à faire en sorte que les femmes soient mieux intégrées dans le monde du travail et qu’elles y prennent des responsabilités. Quand on est passé aux 35 heures, on a mis en place au niveau des caisse d’allocation familiale et de la CNAF un service d’accueil de la petite enfance beaucoup plus complet, on a mis le paquet là-dessus pour que les femmes aillent travailler et fassent garder leurs enfants avec un service de qualité. La grosse majorité des parents privilégie l’accueil collectif car c’est ce qu’il y a de mieux pour les enfants. Cela a permis à beaucoup de femmes de se libérer et d’intégrer le monde du travail. Cela a permis aux parents d’être plus libérés dans leur travail. Ils savaient que leur gamin étaient accueillis dans une structure de qualité. Les 35 heures ont eu un effet positif à ce niveau là.
Et penses-tu qu’une nouvelle réduction du temps de travail à 32 heures puisse avoir encore une fois une influence positive sur les politiques familiales ?
Cela fait trois heures de moins par semaine, cela peut être rapporté sur une tranche choisie, je pense au mercredi ou au samedi par exemple, cela peut faire pratiquement une journée de travail et ça c’est du temps que l’on va consacrer à l’écoute de son compagnon, de sa famille et des autres en général. Si l’on rapporte cela à la famille cela peut avoir une influence positive sur le temps consacré au devoir, mais aussi sur le jeu. Une demi-heure à jouer en plus chaque soir avec ses enfants ça peut être très bénéfique. Les parents pourront être plus sensibles aux activité culturelles, sportives, ne fut-ce qu’une demi-heure de plus chaque jour. L’éducation des enfants ne peut pas être qu’un domaine réservé aux parents, il faut être dans la co-éducation avec l’école, les centres de loisir, les gens qui s’occupent des enfants en général.
Si demain l’on passait aux 32 heures, quelle serait la réforme à prendre dans le domaine des politiques familiales ?
Mettre en place un service de la petite enfance pour que chaque enfant de 0 à 3 ans puisse avoir sa place. Que ce soit la commune, la communauté de commune, le conseil général, peu importe, il faut qu’il y ait une compétence générale pour l’accueil de la petite enfance. Chaque enfant doit être accueilli dans le cadre du service public. Les parents pourraient jouir de temps pour eux, ou être plus sereins dans leur rôle de salarié ou de travailleur. Les politiques familiales doivent évoluer. Le gouvernement a mis en place des rythmes éducatifs mais sans y mettre les moyens. L’idée des rythmes éducatifs, c’est une belle idée, mais il faut y mettre les moyens. Trop souvent, les rythmes éducatifs se réduisent à de la garderie, et c’est raté. Avec les 32 heures, certains parents pourraient donner deux ou trois heures pour s’occuper d’un atelier à destination de l’ensemble des enfants d’une commune. Dernier point, la jeunesse. On pourrait envisager des actions du soutien à la jeunesse. Les jeunes sont des sources d’initiative énorme. Mais on n’a pas les moyens financiers, humains. Les 32 heures pourraient permettre de redonner un peu de peps à tout cela, pour une jeunesse qui est sacrifiée. On éviterait ainsi ce débat nauséabond autour de la radicalisation. C’est la jeunesse qui dans les années à venir sera la force de notre pays.