Il faut remettre le débat à sa vraie place, par Mohammed Oussedik
Le débat entre travailler moins et travailler plus fausse le vrai débat, car de fait le temps de travail se réduit inexorablement. Les gains de productivité ne cesseront pas d’augmenter : c’est le sens de l’histoire, du développement de l’Humanité et de ses formidables capacités.
Les modalités et la baisse du temps de travail sont imposés par le patronat à des millions de salariés : temps partiel subi, amplitude horaire incompatible avec une vie privée, familiale et personnelle, travail de nuit, du dimanche, contrats précaires, chômage partiel et bien entendu chômage de masse. Étrangement, ce débat est toujours enterré par le patronat, car il implique la question du financement de ces réductions ou modalités du temps de travail imposés aux salariés. Ce sont en effet les salariés et les contribuables qui les financent, et qui en subissent les conséquences. Le risque n’est donc plus supporté par les « entrepreneurs » – en réalité les actionnaires – mais par les salariés, les contribuables et plus généralement les citoyens.
Aborder la question de la réduction légale du temps de travail c’est remettre le débat à sa vraie place : quelle redistribution des gains de productivité et des richesses ?
Nous revendiquons que ces richesses servent à améliorer la vie des salariés, leurs conditions de travail, leurs salaires et leur santé, pour leur permettre de mieux vivre dans et hors de l’entreprise. Cette réduction du temps de travail – inéluctable – doit donc profiter à l’ensemble de la société, et en premier lieu aux salariés. Il nous faut donc repenser en parallèle l’intégralité de nos modes de vies, et bâtir un modèle de société basé sur le progrès social et l’intérêt général.
Nous devons aussi réfléchir sur nos modes de productions, conditionnés par nos modes de consommation et conditionneurs de nos modes d’organisation du travail. Pour répondre à la consommation de masse (en réalité à la course au rendement financier et court-termiste), la société a relégué le travailleur au rang de simple pièce du puzzle (au nom de la baisse des prix, de la compétitivité et de la concurrence). Le même constat peut être fait pour les ressources naturelles et l’environnement en général, eux aussi devenus simples variables d’ajustement de la compétition capitaliste.
Ce modèle est à repenser totalement. L’aborder sous l’angle de la RTT permettrait d’améliorer les conditions de travail des salariés, tout en améliorant la protection de la santé des femmes et des hommes ainsi que celle de l’environnement. Les gains de productivité doivent être affectés en priorité vers la formation tout au long de la vie, les activités associatives, les contributions civiles, le développement personnel et l’accès à la culture : il nous faut mettre en place un nouveau projet de société, qui nécessitera donc un engagement citoyen sur l’ensemble de ces sujets.